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Contexte

Affirmer l'université face aux enjeux sociétaux, aux tensions budgétaires et structurelles

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Forte de son histoire et de la mobilisation de sa communauté, l’université de Bordeaux aborde une nouvelle étape de son développement à un moment charnière pour l’enseignement supérieur et la recherche. Ce document présente une analyse du contexte global dans lequel s’inscrit la trajectoire de l’université de Bordeaux. Il met en lumière les principaux facteurs qui structurent l’environnement national et international de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que les facteurs internes et externes qui influencent la capacité de l’établissement à remplir ses missions de service public. Cette analyse éclaire les enjeux de gouvernance, de financement et de stratégie institutionnelle qui sous-tendent le projet Affirmer Université Ensemble.

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  1. L’université de Bordeaux : un acteur solide, reconnu et engagé

  2. Repositionner l’université dans un monde incertain

  3. Des tensions structurelles et budgétaires persistantes

  4. Des obstacles ou des remises en question des missions de l’université  

  5. Les enjeux futurs pour l’université de Bordeaux : défendre et affirmer un modèle d’université publique et durable

​1.   L’université de Bordeaux : un acteur solide, reconnu et engagé

 

Créée en 2014, l’université de Bordeaux est une université pluridisciplinaire de recherche intensive, à la fois ancrée dans ses territoires et reconnue à l’international. Avec 54 000 étudiants et plus de 6 000 personnels, elle constitue le plus grand établissement public d’enseignement supérieur de Nouvelle Aquitaine et le troisième employeur public régional. Son budget annuel avoisine 600 millions d’Euros, pour un patrimoine immobilier de 600 000 m² répartis sur 180 hectares. Présente sur une vingtaine de sites, elle contribue de manière déterminante à l’équilibre territorial, social et environnemental de la région.

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Labellisée Initiative d’excellence (IdEx), elle figure parmi les neuf universités françaises reconnues pour leur modèle de recherche intensif et intégré. Selon la classification du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), neuf de ses secteurs de recherche atteignent un niveau mondial et dix-sept un niveau international. Elle se classe parmi les 200 à 300 premières universités dans le classement de Shanghai et au deuxième rang français pour les dépôts de brevets, confirmant la solidité de son écosystème de recherche et d’innovation.

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Elle se distingue également par la qualité de ses formations, adossées à la recherche et tournées vers la réussite des étudiants. Les taux d’insertion professionnelle sont élevés et l’attractivité internationale progresse, portée par des équipes pédagogiques engagées.

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L’université de Bordeaux est une référence nationale en matière de vie étudiante et de vie de campus. Elle s’appuie sur un tissu associatif particulièrement actif, une offre socioculturelle diversifiée et l’un des plus vastes parcs d’installations sportives universitaires de France. Ses nouveaux pôles de vie visent à faire des campus des lieux aussi bien d’étude que de vie et s’inscrivent dans la stratégie de l’université pour des campus attractifs et ouverts sur la cité. Son Espace Santé Étudiant est reconnu comme exemplaire, notamment pour son investissement en matière de santé mentale.

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Engagée dans les transitions environnementales et sociétales et deux fois labellisée Développement durable et responsabilité sociétale (DD&RS), l’université de Bordeaux a réduit son empreinte carbone de 8,5 % entre 2019 et 2022 et ses consommations énergétiques de gaz et d’électricité de manière significative. En termes de responsabilité sociétale elle agit pour l’inclusion, l’égalité et la diversité, et lutte activement contre toutes les formes de violence et de discrimination.

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Son modèle de gestion rigoureux, appuyé sur des pôles administratifs solides et les opportunités offertes par les dispositifs nationaux (Programme d’Investissements d’Avenir, Contrat de Plan État-Région, France 2030) et internationaux, lui a permis de maintenir ses missions fondamentales tout en préservant l’emploi et sa capacité d’investissement.

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L’accès progressif à la pleine propriété de son patrimoine immobilier et foncier constitue un levier stratégique majeur : il renforce son autonomie d’action, favorise la rénovation et l’aménagement de ses campus, et ouvre la voie à de nouvelles ressources via des modèles de valorisation maîtrisés.

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Actrice de référence dans son environnement, l’université de Bordeaux assume un rôle de cheffe de file en lien étroit avec ses partenaires : établissements associés (Bordeaux INP, ESTIA, Sciences Po Bordeaux, Bordeaux Sciences Agro, IOGS), organismes de recherche nationaux (CNRS, INSERM, INRAE, INRIA, CEA) et CHU de Bordeaux. Elle est également partie prenante de la Convention de coordination territoriale (CCT) regroupant les cinq universités de Nouvelle-Aquitaine.

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Enfin, à l’échelle internationale, l’université de Bordeaux figure parmi les grands pôles européens de recherche et de formation. Elle accueille plus de 8 000 étudiants internationaux et s’appuie sur l’alliance européenne ENLIGHT et ses dix membres, ainsi que sur des partenariats stratégiques de premier plan (Kyoto, Tokyo, Tsukuba, Laval, Waterloo, Pays Basque, LMU Munich, etc.) et le programme de recherche IPORA en Afrique.

 

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2.   Repositionner l’université dans un monde incertain

 

Parce qu’elles forment des citoyens responsables et produisent les connaissances indispensables au progrès, les universités occupent une place centrale dans nos sociétés. Porteuses des valeurs et des missions du service public, elles constituent l’un des fondements d’une démocratie vivante. L’investissement dans la recherche et l’enseignement supérieur est régulièrement rappelé comme une priorité nationale et européenne. Pourtant, cet impératif demeure largement insatisfait, alors même que les crises écologique, sociétale, géopolitique et numérique appellent une mobilisation accrue de la science et de l’innovation au service du bien commun.
 

Les universités françaises assument pleinement leur rôle : elles forment les jeunes générations aux métiers de demain, accompagnent la montée en compétences tout au long de la vie et soutiennent la recherche au cœur des transitions environnementales, économiques et sociales. Elles participent activement au dynamisme de leurs territoires et contribuent à la solidarité nationale. Avec des taux d’insertion professionnelle supérieurs à 90 % en licence professionnelle et en master, elles démontrent chaque jour leur efficacité et leur ancrage dans la réalité.
 

Par leur ouverture à l’international, consubstantielle à leurs valeurs, les universités favorisent la circulation des savoirs et des talents, le dialogue interculturel et la coopération scientifique. Elles sont aussi des acteurs majeurs de la diplomatie d’influence française et européenne. L’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche offre un cadre privilégié pour partager des valeurs communes, dont la liberté académique constitue un pilier essentiel.
 

Depuis une quinzaine d’années, le paysage universitaire français s’est profondément transformé. Les regroupements disciplinaires ont permis de renforcer la cohérence des politiques de recherche et de formation et d’affirmer le rôle des universités comme institutions de service public. Mais de nouveaux défis se dessinent : le renouvellement générationnel massif des personnels d’ici 2030 et l’impact croissant de l’intelligence artificielle sur la recherche, la pédagogie et l’administration.
 

Ces transformations s’inscrivent toutefois dans un contexte de fragilisation structurelle. Le sous-financement chronique des universités — dépenses de recherche inférieures aux standards internationaux, subventions insuffisantes face à la hausse des charges et aux hausses des effectifs étudiants, recours excessif à des financements temporaires — entraîne des tensions budgétaires, une baisse du budget par étudiant et une dégradation des conditions de travail et d’étude. Le patrimoine immobilier reste en partie vétuste, et l’attractivité des carrières universitaires — bien que partiellement soutenue par la loi de programmation de la recherche — s’en trouve affaiblie.
 

Parallèlement, la concurrence croissante de l’enseignement privé lucratif accentue les tensions : près de 26 % des étudiants y sont désormais inscrits, dont 15 % dans des établissements à but commercial. Cette dynamique, encouragée par des dispositifs de régulation de l’enseignement supérieur privé encore imparfaits, interroge l’usage des fonds publics et la qualité de la formation, tout en accentuant les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur et la concurrence avec le public.
 

L’université publique se trouve ainsi prise en étau entre un désengagement financier progressif de l’État, une complexité administrative croissante et la remise en cause de l’expertise scientifique par une partie de la société. Malgré ces contraintes, les personnels enseignants, chercheurs, ingénieurs, administratifs et techniques continuent d’exercer leurs missions avec un engagement exemplaire, garantissant la vitalité et la crédibilité de l’institution universitaire.
 

Soutenir les universités publiques, c’est défendre bien plus qu’un modèle d’enseignement : c’est préserver l’excellence scientifique, la liberté académique, l’esprit critique, la formation des générations futures et, au fond, la capacité de notre société à affronter les défis majeurs de ce siècle.
 

 

3.   Des tensions structurelles et budgétaires persistantes
 

       A.   Le budget alloué aux universités françaises est insuffisant

 

Le budget et les investissements dans la recherche en retrait. Le système universitaire français fait face à un sous-financement structurel qui affecte la soutenabilité de ses missions. En 2023, la dépense intérieure de R&D représentait 2,1 % du PIB, contre 2,7 % en moyenne dans l’OCDE et 3,5 % en Allemagne. La part publique de ces dépenses (0,78 % du PIB) demeure inférieure à l’objectif de 1 %, limitant la capacité des universités à maintenir leur niveau d’excellence.

 

La loi de programmation de la recherche (LPR), revue à la baisse en 2025 et en 2026, n’a pas permis de corriger cette situation car ses effets ont été partiellement neutralisés par l’inflation. Ce sous-financement limite la capacité des universités à maintenir leur niveau d’excellence scientifique et d’innovation.

 

En conséquence, malgré une production scientifique qui reste de haut niveau et ses résultats en matière d’innovation, la France a toujours une place en décalage avec son rang économique en recul depuis plusieurs années (cf. rapport Gillet). La production scientifique française se situait en 2022 au 13ème rang mondial, en baisse de 7 places depuis les années 2000 selon l’Observatoire des Sciences et Techniques (OST). Les bons résultats des universités françaises dans les classements internationaux ne doivent pas masquer cette réalité. Ils sont en grande partie le fruit d’investissements passés et de l’émergence des regroupements d’universités. Ils démontrent d’abord l’engagement notable de leurs personnels dans des conditions qui sont loin d’être optimales.

 

 

La subvention pour charge de service public (SCSP) ne couvre pas le socle des dépenses des universités. Selon France Universités, les universités et grandes écoles ont dû absorber près de 600 millions d’euros de dépenses nouvelles en 2025 sans compensation intégrale. La subvention pour charge de service public n’a progressé que de 300 millions d’euros, accentuant le déficit structurel. Ce déséquilibre ne tient pas compte d’autres dépenses inéluctables : le glissement vieillesse technicité (+50 M€ par an), l’inflation (électricité, gaz, dépenses de voyage, hébergements, assurance, consommables de laboratoires etc.), les nouvelles exigences en termes de sécurité et sureté (cybersécurité, gardiennage, etc.) et les conséquences de nombreuses réformes pas ou partiellement financées (réforme de la formation des enseignants, universitarisation des formations paramédicales dont celles en soins infirmiers etc.)  

 

Cette situation de sous-financement pourrait s’accentuer en 2026 (nouvelle augmentation du CAS pensions et contribution de l’employeur à la nouvelle protection sociale complémentaire). Elle est contraire au principe « l’État décideur-payeur » défendu par France Universités, qui s’il n’est pas appliqué met en péril la capacité des établissements à financer leurs missions fondamentales de service public.

 

Les collectivités territoriales se désengagent aussi. La contrainte budgétaire nationale pèse aussi sur les budgets des collectivités territoriales qui sont donc amenées à réduire leurs soutiens en investissement et en fonctionnement au détriment du nécessaire maillage territorial de l’enseignement supérieur et de la recherche, gage d’égalité des territoires et des chances.

 

 

Le modèle de financement entre dotation pérenne et financement sur projets est à rééquilibrer. Depuis quinze ans, les appels à projets (ANR, Europe, PIA, France 2030, etc.) sont devenus un pilier du financement de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ils soutiennent la recherche, la formation et accompagnent aussi les établissements dans le déploiement de leur stratégie. Les universités développent également des ressources propres via la formation tout au long de la vie ou la valorisation de leur patrimoine scientifique et immobilier.

 

Mais ce modèle atteint ses limites. Ces financements, par nature temporaires et fléchés sur des projets spécifiques, n’ont pas vocation à se substituer à la subvention pour charge de service public. Outre le fait qu’ils contribuent à accroître la charge administrative, que leurs coûts environnés ne sont pas complètement pris en compte, ils réduisent le temps consacré à l’activité académique, alimentent la précarité de l’emploi et faussent la perception des trésoreries en les gonflant artificiellement. Conjugués à l’insuffisance de subvention pour charge de service public récurrente, ces financements, par nature à durée limitée, favorisent les projets de recherche finalisés au détriment de la recherche fondamentale, des sciences humaines et sociales et de certaines autres disciplines.

 

Un rééquilibrage durable entre dotation publique pérenne et financements compétitifs devient indispensable pour garantir la créativité et la soutenabilité du système universitaire.

 

 

Des universités en situation budgétaire critique. La majorité d’universités devraient se retrouver en déficit à la fin de l’année 2025. Elles puiseront de nouveau dans leurs réserves financières (fonds de roulement), d’abord au détriment de leurs investissements futurs — notamment la rénovation des campus et la réduction des coûts énergétiques — puis, à terme, au détriment de l’emploi.

 

Le ministère propose une lecture très différente de la situation financière des universités et des écoles, en s’appuyant sur un indicateur : une trésorerie cumulée de 5 milliards d’euros. Selon lui, cette donnée traduirait une gestion insuffisamment rigoureuse du budget par les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ce qui les empêcherait d’exploiter des marges financières jugées à tort importantes.

 

Mais, une grande partie de cette trésorerie est en réalité gagée sur des dépenses liées à des projets contractualisés (ANR, Europe, PIA, France 2030, Régions, etc.). D’après le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche — « Modèle économique des établissements publics de l’enseignement supérieur » (janvier 2025) —, la trésorerie réellement libre d’emploi des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ne s’élèverait qu’à 830 millions d’euros. Ce montant doit être fortement relativisé au regard du nombre d’établissements concernés (73 universités et plus de 200 écoles), des besoins d’investissement estimés à plusieurs milliards d’euros et de l’impact des déficits récurrents liés au sous-financement.

 

 

Le budget par étudiant en baisse. Entre 2011 et 2021, à effectifs enseignants constants, les universités françaises ont accueilli plus de 500 000 étudiants supplémentaires, soit une hausse de près de 20 %. Dans le même temps, la dépense par étudiant a reculé de 9 %.

 

Cette tendance s’est poursuivie en 2024-2025, avec plus de 30 000 étudiants supplémentaires, alors que le nombre d’enseignants reste stable depuis 2011. Pour retrouver le taux d’encadrement de 2012, il faudrait créer aujourd’hui plus de 5 000 postes d’enseignants-chercheurs.

 

Cette évolution exerce une pression croissante sur les conditions d’enseignement et d’encadrement, au risque d’affecter la qualité des formations et la réussite des étudiants. Elle favorise également la précarisation du système, en raison du recours accru à des contractuels et à des vacataires.

 

Si la France souhaite garantir un encadrement de qualité et maintenir l’attractivité de son enseignement supérieur, elle devra soutenir financièrement une augmentation des effectifs enseignants et enseignants-chercheurs, y compris dans la perspective d’une baisse prochaine des effectifs étudiants.

 

 

Les rémunérations des personnels en retrait. Les mesures RH prévues par la loi de programmation de la recherche visaient à renforcer l’attractivité des métiers. Toutefois, pour une grande majorité des personnels universitaires, elles ne feront guère plus que compenser les effets de l’inflation, malgré les mesures Guerini. Les rémunérations des enseignants-chercheurs français demeurent nettement inférieures à celles de leurs homologues européens, alors même que leurs charges d’enseignement sont plus importantes.

 

Les rémunérations des personnels BIATSS sont elles aussi en deçà des rémunérations des personnels administratifs et techniques des autres ministères (cf. rapport Cour de comptes sur le temps de travail des BIATSS) avec une proportion importante de personnels de catégorie C dont les rémunérations sont très proches du SMIC.

 

Ces conditions freinent l’attractivité des métiers et mettent en tension le recrutement et la fidélisation de personnels qualifiés.

 

 

Un patrimoine universitaire partiellement à niveau. Partiellement rénové grâce à l’opération campus (qui ne concerne qu’une fraction d’établissements), les contrats de plan État-Région (CPER) et le plan relance, le patrimoine immobilier universitaire est jugé à hauteur de 34 %, dans un état peu ou pas satisfaisant (vétusté, accessibilité et conditions de sécurité) par la Cour des Comptes, et plus de 50% de ce patrimoine relevait en 2020 de la classification énergétique D et plus. La Cour des Comptes a estimé un besoin en investissement de 7 milliards d’euros (15 milliards d’euros selon France Universités). Les crédits de maintenance (dont le Gros Entretien Rénovation) sont insuffisants, ils sont en moyenne bien en dessous de 10 euros par mètre carré, ce qui contribue à la dégradation du patrimoine. La dévolution du patrimoine n’apporte pas de réponse à court-terme et n’exonère donc pas l’État d’accompagner financièrement les universités.

 

       B.   L’université doit faire face aux conditions complexes d’exercice des missions

 

La complexité de l’organisation de l’ESR. En France, la complexité de l’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) est largement reconnue et se rapproche du « millefeuille » territorial. Elle résulte de la juxtaposition et de l’imbrication de multiples structures. Aux côtés des acteurs traditionnels – universités, grandes écoles et organismes nationaux de recherche – se sont ajoutés au fil du temps des structures variées : communautés d’universités et établissements (COMUE), grands établissements, établissements publics expérimentaux (avec ou sans établissements-composantes), agences de programmes, programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR), instituts hospitalo-universitaires (IHU), instituts de recherche technologique (IRT), etc.

 

Pour la recherche, cette organisation repose sur une dualité singulière : les organismes nationaux de recherche d’une part, et les universités d’autre part, désormais reconnues comme opérateurs de recherche « cheffes de file » au niveau de leur site. Cette évolution reflète une volonté de mieux articuler les responsabilités, mais elle peut aussi accentuer la complexité du paysage institutionnel.

 

Le modèle original de l’unité mixte de recherche (UMR) repose sur une coopération entre universités et organismes nationaux de recherche, il permet aux personnels de travailler ensemble sur des projets communs. Ce modèle est largement plébiscité mais son fonctionnement administratif est de plus en plus complexe (budgets, RH, logiciels multiples, etc.) et donc de plus en plus contraignant. Les évaluations multiples et non articulées accroissent encore la pression. Enfin, le manque de coordination nationale et de dialogue stratégique entre acteurs limite la mise en œuvre d’une planification partagée et efficace.

 

A cela s’ajoute la complexité de l’organisation de la recherche en Biologie-Santé qui s’appuie sur les universités, les CHU et les ONR et dont les financements sont fragmentés entre plusieurs ministères ou opérateurs.

 

Cette complexité structurelle, si elle témoigne de la richesse du système de recherche français, a cependant des conséquences directes sur les conditions de travail et la qualité de vie des personnels.

 

 

Une dégradation des conditions de travail. La pression croissante de la bureaucratie universitaire est un fait établi depuis de nombreuses années. Elle trouve son origine dans l’évolution des pratiques de gestion et de financement : généralisation des appels à projets, règles financières spécifiques aux projets, commande publique, évolutions législatives et réglementaires (loi ORE, réforme de l’accès aux études de santé, successions des réformes de la formation des enseignants, etc.), nouvelles procédures (Parcoursup, MonMaster), évaluations multiples et complexes (HCERES ou C3 du RIPEC), organisations institutionnelles imbriquées (établissements, UMR), manque de personnels de soutien et outils de gestion souvent inadaptés.

 

Malgré des initiatives récentes engagées aux niveaux national et local, cette complexité continue de peser sur l’ensemble des personnels. Elle réduit le temps consacré aux activités académiques, dégrade les conditions d’exercice et fragilise l’attractivité des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche.

 

Les outils et environnements de travail restent en deçà des attentes, qu’il s’agisse de systèmes d’information souvent peu ergonomiques et obsolètes ou des environnements physiques. Si le patrimoine universitaire a été partiellement rénové, une part importante demeure à réhabiliter. Il est donc encore nécessaire d’investir dans l’amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité, l’accessibilité, ainsi que le confort des usagers, qu’il s’agisse du chauffage en hiver et plus récemment de la gestion des fortes chaleurs estivales.

 

Les enseignants-chercheurs, en particulier, voient leurs missions se multiplier, au point que certaines missions implicites interrogent leur statut : est-il réellement de leur responsabilité de collecter des ressources propres pour financer le fonctionnement courant, voire le CAS pensions ?

 

Enfin, l’État reproche aux universités une performance en retrait à l’Europe notamment à l’ERC. La moindre performance des universités françaises aux appels à projets ERC ne saurait être imputée à leur manque d’engagement, mais bien à la charge de travail croissante supportée par les enseignants-chercheurs, dont le service d’enseignement moyen est le double de la moyenne européenne.

 

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4.   Des obstacles ou des remises en question des missions de l’université  

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Des obstacles à la réussite étudiante. La santé mentale et la précarité des étudiants sont des freins à la réussite étudiante. Selon une enquête IFOP, en 2024, la précarité alimentaire reste fortement ancrée dans la population étudiante : plus d’un tiers déclare sauter des repas faute de moyens, un taux nettement supérieur à la moyenne nationale. La situation est encore plus critique pour les étudiants qui travaillent (47%). Le premier poste de dépense est le logement et résulte en partie de la pénurie de logements accessibles qui s’est accentuée par l’insuffisance de l’offre du CROUS et la concurrence des locations meublées touristiques. La trajectoire nationale visant la livraison de 15 000 nouveaux logements par an sur les trois prochaines années est sans cesse décalée alors que la situation reste très préoccupante. Certaines universités, comme l’université de Bordeaux, prennent des initiatives pour compléter le parc de logements accessibles en grande partie aux étudiants boursiers.

 

Parallèlement, les problèmes de santé mentale demeurent préoccupants. Près de deux tiers des étudiants expriment encore des émotions négatives, et près d’un quart a eu recours à un psychologue en 2024. Le dispositif « Santé Psy Étudiants » a bénéficié à 9% d’entre eux, mais reste freiné par son manque de notoriété.

 

Le déploiement de la phase 2 de revalorisation des bourses sur critères sociaux doit donc rester une priorité forte, il est malgré cela, sans cesse repoussé. .

 

 

Des initiatives pour restreindre la mobilité des étudiants internationaux. Les universités françaises entretiennent une solide tradition d’accueil des étudiants internationaux. Ceux-ci contribuent à la circulation des talents, des connaissances et au croisement des cultures. Ils contribuent ainsi à l’influence de notre pays à l’international, ainsi qu’à sa politique de codéveloppement. Les étudiants internationaux représentent plus de 40 % des doctorants qui sont accueillis dans les universités françaises ce qui en fait des contributeurs majeurs à la production scientifique française. Le rôle des étudiants internationaux est aussi à souligner au regard de l’objectif de réindustrialisation de la France. Les tensions autour de la mobilité et de l’attractivité internationale (cf. dernière loi sur l’immigration en 2023) sont une menace pour l’attractivité internationale des universités françaises.

 

 

La remise en question des institutions et des résultats scientifiques. La défiance envers la science a toujours existé. Elle s’est accentuée ces dernières années avec l’essor des réseaux sociaux, qui favorisent les mouvements complotistes, climatosceptiques ou antivax. Les récents bouleversements politiques et géopolitiques ont transformé cette méfiance en véritables campagnes d’attaques frontales remettant en question les travaux scientifiques et leurs fondements. Aux États-Unis, cette dynamique se traduit par des réductions de crédits, des licenciements de chercheurs, des restrictions à l’accueil des étudiants internationaux, et même la remise en cause de missions, d’agences et de revues scientifiques.

 

Si la France est relativement préservée, avec un index de liberté académique assez haut (mais en baisse), certains signaux sont inquiétants et amènent à être vigilants, à l’exemple des débats sur la loi Duplomb ou des questionnements sur le rôle et l’utilité de l’Office français de la biodiversité ou de l’ANSES. Ces exemples illustrent la nécessité de protéger la recherche, de défendre les libertés académiques, d’affirmer le rôle de la science dans la société et de renforcer la confiance du public dans la science.

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5.   Les enjeux futurs pour l’université de Bordeaux : préserver un modèle d’université publique et durable

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Dans un contexte de tensions budgétaires et de transformations rapides, l’université de Bordeaux dispose d’atouts majeurs : une recherche de haut niveau, un ancrage territorial fort, un rayonnement international et une communauté engagée. Préserver et valoriser ce modèle public exige une vision stratégique à long terme, articulant performance scientifique, soutenabilité financière et qualité de vie au travail.

 

Affirmer le rôle de l’université de Bordeaux, c’est défendre une conception exigeante et ouverte de l’université publique : celle d’un établissement autonome, responsable, et moteur du développement régional, national et européen. Face à un monde incertain, cette ambition repose sur la mobilisation collective de ses personnels, de ses partenaires et de ses étudiants.

 

L’université de Bordeaux doit poursuivre la modernisation de sa gouvernance, la simplification de son administration, le développement de ses coopérations et la consolidation de son modèle économique. Elle doit intégrer de manière maîtrisée l’intelligence artificielle dans l’ensemble de ses missions. Elle doit aussi anticiper le fort renouvellement de ses personnels à l’horizon 2030 suite à une vague massive de départs à la retraite.

 

Ces objectifs constituent les fondations du projet Affirmer Université Ensemble, qui proposera les orientations stratégiques nécessaires pour renforcer la place et le rôle de l’université dans un monde en mutation.

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Texte intégral disponible ici

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